Sébastien Billard s'en faisait écho en juin dernier sur son blog consacré au référencement, sous forme de titre choc : "99% des infographies sont stupides". C'est évidemment caricatural, mais l'idée est là.
Une infographie, c'est au départ une illustration destinée à présenter des informations complexes de manière immédiatement compréhensible. Un excellent exemple, réalisé en 1869, est celui de la carte figurative des pertes successives en hommes de l’Armée française dans la campagne de Russie en 1812-1813, réalisée par Charles-Joseph Minard. On y voit représenté le volume de pertes par rapport au temps et au déplacement. C'est une série d'éléments complexes que le graphisme permet de rendre intelligible.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui : l'infographie est devenue, au fil des mois, un ensemble de textes et de chiffres (lorsque l'on est chanceux) auxquels on adosse une illustration quelconque. Dans les meilleurs cas, un travail important est réalisé sur la forme, mais le fond demeure plat, voire creux. Prenons pour exemple cette "infographie" publiée sur un quotidien national et présentant le sujet très polémique du mariage homosexuel. Quel est le sens de cette image ? Quel est son rôle ? Dans les deux cas c'est le vide le plus total. Ce n'est pas en mettant trois icônes issues de la banque de clip-arts d'un illustrateur de portes de toilettes, assorties de textes trop longs mis en valeur par des effets hasardeux de gras typographique, que l'on obtient une infographie.
Pourquoi ce genre d'abus ? Parce que les marketeurs médiocres ont trouvé là un outil commode pour acquérir de la réputation et favoriser le SEO à peu de frais. Quelques chiffres, un graphiste et le tour est joué. La tendance est si forte que l'on ne relit même pas : vue tout récemment sur un blog SEO que nous ne nommerons pas par charité, une "infographie" présentant différentes stratégies, émaillée de fautes d'orthographe énormes dans les inter-titres... Fautes qui amenaient à se poser la question suivante : devant le peu de soin apporté à la forme, quel crédit peut-on apporter au fond?
Problème, la quantité tue la qualité. On trouve aujourd'hui tant de ces piètres illustrations que plus personne ne les regarde.
A moins de parvenir à une qualité réelle. Et l'on s'aperçoit alors que l'un des plus vieux principes de design trouve alors tout son sens : la fonction crée la forme. Prenons un exemple : l'infographie ci-dessous, qui décrit 50 ans de conquête de l'espace, a généré plus de trafic et de mentions "j'aime" sur Facebook que quelques dizaines de milliers d'infâmes illustrations vides de sens.
Bien sûr, cela représente un travail considérable. Ou, pour le dire plus exactement, un investissement considérable. Mais le retour sur investissement a certainement dû valoir à son auteur quelques félicitations. Certes, le sujet est fascinant, mais n'importe quel sujet peut se voir traité avec la même élégance, pour un buzz qui ne sera pas négligeable, et qui dans le cas présent profite largement à son initiateur, le National Geographic.
Prenons un autre exemple l'infographie ci-dessous, qui représente le problème de la dette européenne. Publiée en 2011 sur le site du New York Times, cette infographie basée sur une librairie de programmation est non seulement visuellement réussie, mais elle est également interactive et permet de générer de la compréhension pour l'utilisateur et du trafic pour le site.
Si vous souhaitez réaliser vous aussi des "infographies" médiocres et sans utilité, il existe de nombreux sites tels que www.easel.ly qui vous permettra d'intégrer des données vides de sens dans des gabarits prévus pour cela.
A l'Agence Rédaction Web il nous arrive parfois de réaliser des infographies pour illustrer un point précis. Bien que nous ne soyons pas des experts de la chose, nous essayons d'introduire des informations. Ainsi, notre infographie sur le CMS Concrete5 contient-elle sans doute trop de texte, cependant elle a le mérite de présenter des éléments issus de plusieurs sources d'information, sur une seule page. Soyons honnêtes, un article aurait pu permettre d'arriver au même résultat, probablement aussi bien sinon mieux. Une autre infographie figurant sur notre site est une traduction de l'agence Braxton consacrée au contenu rédactionnel web. Elle contient assez peu de textes et effectue une agrégation de données de sources variées. Le résultat est plutôt informatif, même s'il ne parvient pas à l'excellence des exemples donnés plus haut. C'est en tout cas un minimum.
Notre conseil : ne sabotez pas un bon rédactionnel avec une infographie médiocre. Effectuez un vrai travail sur les données, retenez exclusivement les statistiques intéressantes, et ne cédez pas à la tentation de faire simplement quelque chose d'esthétique. Du sens, donnez du sens !
Parions cependant que l'effet de nouveauté s'estompera bientôt et que la saturation finira par triompher de la médiocrité. A moins que...
L'habituellement inspiré site econsultancy, qui analyse le web et procure à ses clients des conseils et des études, a publié en septembre 2012 un post sur son blog intitulé "les 6 meilleurs infographies de la semaine". Y figure en première position l'abomination que vous pous pouvez voir dans la colonne de droite de cette page. Pourquoi une abomination ? Parce que sur cette soi-disant infographie consacrée à la rédaction de contenu web, figure tout ce qu'il ne faut pas faire.
Pour toutes ces raisons, ce travail de l'agence ABC Copywriting reçoit, à mes yeux, le titre de pire infographie de la semaine, et probablement du mois voire de l'année.
Mais elle permet en tout cas de déterminer quelques éléments à suivre.
Tiens, voilà qui mériterait une infographie, non ?